Dans
la tête des pisse-froids de la musique, le Stoner-Rock est un affre
de Black Sabbath, gamin branché et hédoniste d'un proto-Metal
seventies qui n'intéresse que des rabat-joies anti-modernité. Le
Stoner-Rock est aussi et avant tout la musique qui rattrape les
erreurs du passé. Plutôt que de se borner à une poignée
d'artistes des seventies, devenus des références absolues mais dont
tout le monde se fout car la musique moderne n'est qu'électro et
hip-hop, il se penche sur la matière du Rock, et s'abreuve de
groupes merveilleux. Les américains ont tendance à boire à la
source de Blue Cheer, Mountain, Sir Lord Baltimore, Kiss, et
Pentagram. Les anglais s'abreuvent auprès de Black Sabbath, Budgie,
mais aussi quelques merveilles proto-hard du noms de Stray,
Groundhogs, Leaf Hound, Free, Chicken Shack et Savoy Brown.
Les
Groundhogs sont un sacré cas de conscience, car ils furent des
stars. Trois de leurs albums furent dans le Top 10 anglais des ventes
d'albums, soutenus par la presse anglaise, avant qu'elle ne leur tire
une balle dans la tête. Il importe de parler de formidable trio, car
sa musique imprègne en réalité la Grande-Bretagne durant vingt
ans.
Les
Groundhogs sont fondés par le guitariste-chanteur Tony MacPhee et le
bassiste Tony Cruickshank. La petite équipe s'impose dans le circuit
des clubs dès le début des années 60 comme l'un des meilleurs
ensembles de Blues anglais aux côtés des Rolling Stones, John
Mayall, Alexis Korner… Ils ont la chance d'accompagner John Lee
Hooker lors de sa tournée anglaise de 1965, et le vieux sage les
trouve fabuleux. Il fera ouvertement appel à eux en 1968 et 1969
lorsqu'il reviendra en Europe, ne tarissant pas d'éloges pour eux.
Les
Groundhogs se stabilisent autour de MacPhee, Cruickshank, du batteur
Ken Pustelnik, et de l'harmoniciste. Ils signent sur le label
Liberty. Pour faire un peu d'argent, MacPhee, du haut de ses
connaissances sur le Blues noir américain, et de son oreille de
producteur impeccable, est régulièrement sollicité pour des
compilations de Blues anglais, ou pour capter des artistes américains
sur les terres anglaises.
Le
groupe enregistre un premier album en 1968 : « Scratching
The Surface ». Le disque se révèle rude, bien plus que le
premier opus de Fleetwood Mac, déjà considéré comme sans
concession. Tony MacPhee est habité par le jeu de John Lee Hooker.
Mais sa technique lui ouvre d'autres portes. C'est lui qui accorde la
guitare de Hooker avant de rentrer sur scène. « Scratching
The Surface » est une merveille de Blues rugueux, à la
fois respectueux de ses origines, mais totalement désinvolte.
Le
disque suivant ouvre de superbes possibilités. « Blues
Obituary » est un chef d'oeuvre méconnu. Les Groundhogs y
explorent avec panache le mélange du Blues-Rock et du psychédélisme.
Et le résultat est sublime. 'BDD' débute comme un modeste boogie,
avant de s'envoler vers des cimes électriques magiques. 'Daze Of The
Weak' enivre encore et encore de ce Blues céleste, tout comme la
reprise de Howlin'Wolf, 'Natchez Burning'. 'Light Of The Day'
bouscule, et ouvre des perspectives merveilleuses.
Les
choses se durcissent avec trois disques successifs déterminants.
« Thanks Christ For The Bomb » pose les bases d'un
discours politique s ans concession, mêlé à une musique Blues-Rock
pétrie de violence impitoyable. Les mélodies sont magnifiques, les
accords de guitare Blues brillant au soleil d'automne. Le disque est
un absolu intellectuel, mêlant blues-rock, proto-hard, et
psychédélisme avec une finesse rare. Au point que dès cet album,
les Groundhogs alimentent l'inspiration des formations post-Punk.
'Eccentric Man' devient un tube obscur.
« Split »
en 1971 est une décharge de chevrotine. Le groupe de Blues-Rock se
mute en formation progressive. Mais il ne se départit pas de sa
violence viscérale. Les Groundhogs sont au sommet d'un art assez
curieux : le Progressive-Blues. La face B est une succession de
détonations électriques totalement déconcertantes. 'Cherry Red'
est un uppercut hard, 'Groundhog' est la reprise sincère du morceau
fondateur de John Lee Hooker.
Avec
« Who Will Save The World ? The Mighty Groundhogs »,
le groupe explore les sonorités des claviers pionniers, dont le
mellotron. Le talent de compositeur de MacPhee brille avec force. Le
Blues se mêle subtilement avec des audaces musicales incongrues.
MacPhee créé une sorte de Folk électrique, blindé d'électricité.
La chose dérange, mais révèle l'incroyable talent de Tony MacPhee.
Sa quête va ouvrir d'autres horizons. La musique des Groundhogs
devient un voyage.