Petite précision avant d’entrer dans les détails, cette
série d’article consacrée aux figures du stoner ne se veut pas comme le Saint
Graal ou LA référence sur le genre. Non loin de là : ce sont tout
simplement des billets qui traite du stoner dans le but d’éclaircir les
nouveaux arrivés dans ce monde musical ; les chevronnés auront peut-être
le plaisir de redécouvrir les racines de ce genre qui nous passionne tous !
Ma démarche est avant tout personnelle, c’est surtout pour le plaisir d’écrire
; mais pour ce premier article, j’ai eu également envie de rendre hommage à un
monsieur bien trop méconnu : Mario Lalli.
L’avènement des « generators parties »
Quand on parle de desert-rock, on pense très souvent aux
membres de Kyuss et notamment à
Garcia, Homme et Bjork. Et vue la claque sonore que nos esgourdes se sont prise
lorsqu’elles ont entendu pour la première fois la lourdeur des riffs, on
peut dire que cette notoriété est quelque peu méritée. Pourtant, il y a une
chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que Kyuss ne serait peut-être pas totalement celui qu’on connait sans
parler de l’influence que Mario Lalli
et ses compères ont eu sur les jeunes californiens.
Ce serait vous prendre pour des imbéciles de vous dire que
le stoner rock trouve ses racines dans le désert californien, c’est un fait
pour tous. C’est du côté de Palm Desert
qu’on trouve les racines du desert rock. Pas grand-chose à faire dans cette ville éloignée des
grands centres urbains que sont Los Angeles et San Diego. Le titre ‘Too Many
Chief’ de Bjork est justement dédié à cette vie dans le désert : se sentir
loin de tout, de vivre comme des reclus et de trouver un sens à sa vie… rien de
bien réjouissant en somme. Pourtant, au milieu des années 1980 les jeunes ont
décidés de prendre les choses en main : on se retrouve dans le désert pour
faire des concerts sauvages à l’aide d’un groupe électrogène ; les « generators parties » sont nées.
Across the River
est le groupe dans lequel évolue Mario accompagné de Scott Reeder (Fu
Manchu, Nebula) et Alfredo Hernandez à la batterie (Kyuss, Mondo Generator…).
Lalli évolue à la guitare et au chant, un poste qui lui sied plutôt bien comme
on peut le constater encore aujourd’hui. Certes, comme vous pouvez l’entendre ça
sonne très dur – en même temps c’est issu d’un enregistrement dans un garage,
mais on décèle facilement l’esprit punk que reprendront Kyuss quelques années plus tard avec l’apport du psychédélisme en
plus. Pour l’anecdote, le titre ‘N.O’ sur l’album « Welcome To Sky Valley »
est une reprise d’Across the River ;
preuve de l’influence de ce groupe sur la bande de Garcia.
Au final, on sait peu de chose sur le pourquoi du comment
est-ce que le groupe s’est séparé. Je ne vais pas m’attarder sur Reeder ou
Hernandez qui évolueront dans des groupes à la notoriété désormais internationale.
Mario Lalli parait comme quelqu’un d’assez discret pour ne pas dire secret et
fonde un nouveau groupe : Yawning
Man avec son cousin, Lary Lalli.
Yawning Man, les sonorités du désert
Yawning Man, Mario Lalli est au centre |
« Yawning Man était le meilleur groupe du désert. Vous seriez juste-là dans le désert, tout le monde serait en train de faire la fête et ils sortiraient de leur van, se prépareraient, lanceraient les générateurs juste avant que le soleil se couche. Parfois, ils vont juste boire un coup et faire un barbecue. Ce pouvait être un show comme ça pouvait être intime. C’était tranquille et tout le monde aimait ; tout le monde se posait pendant qu’ils jouaient. Ils étaient le groupe du coin, c’était planant, mystique ; les gens pouvaient tripper et ils jouaient comme ça pendant des heures… C’est le meilleur groupe que j’ai jamais vu ! »
Brant Bjork, 2002.
Ces quelques mots de Bjork traduisent parfaitement l’essence
de Yawning Man. C’est la musique du
désert, celle qui se joue avec une grosse réverbération comme pour transmettre
l’immensité de l’endroit, un peu à la manière du titre ‘Asleep in the Desert’
de ZZ Top. Je ne peux que vous
conseiller de vous attarder sur le travail du groupe, on est loin des sonorités
que l’on peut connaitre en parlant de desert rock, mais je peux vous garantir
qu’on peut comprendre à quel point ces gars ont largement influencés les
groupes de stoner et en particulier Kyuss.
Un point important – me semble-t-il – c’est de constater que
Yawning Man a sorti son premier
album « Rock Formations »
en 2005, soit près de vingt-ans après leur jams désertiques et après avoir
enregistré quelques démos à la fin des années 1980. Et puis, lorsque la scène
bouge à nouveau au tournant des années 2010, voilà que le groupe enregistre « Nomad Pursuit » dont je ne peux que
vous recommander très chaudement. Enfin, le groupe donne une véritable suite à
cet opus avec la sortie en juillet dernier de « The Revolt Against Tired Noises » sur le label italien Heavy Psych Sounds tout comme leur pote Brant Bjork d’ailleurs. Quoiqu’il en soit, en tant que fan de stoner/desert rock on
ne peut que saluer le travail de Mario Lalli et de Yawning Man. Il est souvent considéré comme le pionnier du desert
rock ; si les sonorités sont lointaines aux riffs lourds, on ne peut qu’acquiescer
quant à l’ambiance qui se dégage des sonorités de Yawning Man : c’est l’identité même du désert.
Parallèlement à son travail au sein de Yawning Man, Mario Lalli officie également dans Fatso Jetson depuis le milieu des
années 1990. Contrairement à son autre projet, Fatso Jetson se veut plus énergique et moins planant. Mêlant habilement
des sonorités desert rock, en passant par le hardcore et le surf-rock, inutile
de préciser que le groupe officie sur un terrain qui risque d’en déconcerter
plus d’un. Pourtant, au milieu de se mélange des genres, on retrouve la fibre
underground, punk du desert rock. Quelques lignes plus haut, je mentionnais le
fait que Palm Desert était loin des centres urbains… mais en même temps trop
proches pour qu’une quelconque scène émerge de là. Et pourtant, à l’écoute des
albums de Fatso Jetson, on ressent
toute cette débrouillardise, en mêlant les genres ; et puis c’est comme si
que le groupe jouait en urgence avec l’impression que les flics allaient
débarquer d’un moment à l’autre pour les faire dégager du parking sur lequel
ils donnent un concert sauvage…
Voilà. Je tenais beaucoup à écrire quelques lignes sur ce
grand monsieur qu’est Mario Lalli. Pourtant, quand on parle de la scène desert
rock, son nom revient très rarement, pourtant là-bas à Palm Desert, c’est le
genre de gars qui est respecté, un peu comme la légende du coin si je puis
dire. Par ses faits d’armes, le bonhomme a énormément contribué à la naissance
du mouvement et contribue encore aujourd’hui : il collabore énormément
avec les artistes locaux comme Brant Bjork (vous l’aurez compris), Josh Homme
pour QOTSA ou encore pour Desert
Sessions, un collectif qui regroupe bon nombre de têtes connues comme
les deux gaillards cités au-dessus. D’ailleurs, tiens, il me semble que c’est
une bonne note pour terminer ce premier article consacré à la scène de Palm
Desert. « Mario Lalli »… n’oubliez
jamais ce nom !