La
coqueluche du classic-rock en ce moment s'appelle Greta Van Fleet.
Loin de dire du mal de ces quatre garçons tout à fait sincères
dans leur démarche, on peut dire qu'ils ont été étrillés par la
presse anglo-saxonne comme de pâles ersatz de Led Zeppelin.
Se
mesurer à la bête Led Zeppelin, c'est risquer de se brûler
les ailes. Ce titan métallique, véritable maître-étalon du
hard-rock audacieux, fier et inventif, aussi bon sur disques que sur
scène, est devenu parfaitement intouchable. Et plus le temps passe,
plus il devient impossible de se frotter à son héritage sans être
irrémédiablement descendu en flèche.
Le
stoner-rock a cela de fou qu'il ose puiser dans la musique des années
70 sans complexe, estimant qu'il s'agit-là de la seule base fiable
pour créer une matière moderne de qualité. Bien évidemment,
beaucoup se font éreinter, considérés comme passéistes. Greta
Van Fleet, qui n'est pas spécialement stoner, a la jeunesse de
ses musiciens comme atouts, et son audace juvénile. Combien sont-ils
à vivre dans l'ombre, faisant résonner leur musique dans les
tréfonds de l'underground ?
Indecipher, l'éclatante révélation d'un groupe méconnu
Spacelord
est un quatuor fondé à Buffalo, dans l’État de New York en 2016.
Il est composé de Richard Root à la guitare, Ed Grabianowski au
chant, Kevin Flynn à la batterie et Chris Cappiello à la basse. Ces
quatre garnements lancent en éclaireur un premier EP, « New
Horrible Menace » en juillet 2017, et leur premier album
éponyme en octobre de la même année. L'ensemble passe complètement
à côté des radars, pourtant la formation impressionne par sa
mixture audacieuse de Led Zeppelin, Black Sabbath,
Monster Magnet, Alice In Chains et Soundgarden.
Ils
reviennent avec un nouvel album : « Indecipher »,
et leur musique éblouit par sa personnalité et sa maîtrise. Les
références citées au-dessus ne sont que quelques repères sonores
qui résument finalement assez sommairement leur son. Spacelord
pratique un heavy-blues rageur, psychédélique, et onirique. Campé
sur une section rythmique de premier ordre, le guitariste Richard
Root développe une série de riffs et de soli furieux et entêtants,
hard, teigneux, crépitant de saturation sans être lourdauds. Ed
Grabianowski est un prodigieux vocaliste, qui a à la fois l'ampleur
d'un Robert Plant de Led Zeppelin, mais aussi le grain de voix
blues de Paul Rodgers de Free.
Que faut-il en retenir ?
« Indecipher »
est un enchaînement vertigineux de huit titres impeccables à la
fois riches et rageurs. Fortement inspirés par la science-fiction,
ils ne sombrent jamais dans le freak-out cosmique. Leur musique reste
fièrement hard, c'est un heavy-blues imprégné de riffs stoner,
menaçants, hanté par un chant sauvage. Superbement introduit par le
fantastique 'For The Unloved Ones' et sa mélodie lyrique et
poignante, l'album enchaîne les merveilles 'Doriath In Starlight' et
'Cruiserweight'. 'All In Red' s'aventure dans des terres noires et
cosmiques qui ne sont pas sans rappeler les brillants anglais de
Sergeant Thunderhoof. 'New Machine' est un tourbillon de
hard-blues macho. 'Zero Hour' a un sacré groove à revendre. 'The
Mission' clôt le disque dans une infusion de Led Zeppelin et
de bourdonnement sabbathien.
Spacelord
vient de s'assurer une place dans la catégorie des groupes qui
comptent dans ce monde perdu où le rock'n'roll signifie encore
quelque chose, loin, très loin des clichés mercantiles.