L'année
2019 débute tranquillement sans que pour l'instant ne brille un
disque Stoner plus qu'un autre. Il y a de belles réalisations, mais
rien qui ne fut totalement enthousiasmant. Il y a comme une petite
atmosphère de réchauffé. Le Heavy-Psych, le Stoner-Rock, et le
Doom se portent bien, merci pour eux, mais il règne comme une légère
somnolence. Ca, c'était avant que je ne tombe sur ce nouvel album de
Ruff Majik.
Tårn, un album étourdissant
Ce
trio est originaire de Pretoria en Afrique du Sud. Il est composé de
Johni Holiday au chant et à la guitare, de Jimi Glass à la basse et
de Beni Manchino à la batterie. Le groupe n'en est pas à son coup
d'essai. Le premier album nommé « Seasons » est
paru en 2018. Mais avant lui, il y eut trois EP massifs en forme de
bestiaire : « The Bear » en 2015, « The
Fox » en 2016, et « The Swan » en 2017.
A cela s'ajoute la série de EP « Season 1 » en
2017 et 2018, plus trois simples. Ruff Majik n'a donc pas
chômé pour se construire une identité. Les belles pochettes, la richesse des compositions et des disques montre un foisonnement
créatif étonnant pour un si jeune groupe. Il semble que Ruff
Majik cherche à affronter le temps qui passe. L'inspiration est
là, la fougue aussi, peut-être que demain, dans un an, il n'en sera
plus rien.
Pour
être tout à fait sincère, je n'avais jamais ouï quoi que ce soit
du groupe. Je fus attiré par la belle pochette héroïc-fantasy, et
le nom de l'album à la consonance nord-européenne : « Tårn ».
Dès les premiers accords, je comprends que je n'ai pas affaire à un
groupe de Heavy-Psych de plus. Il se mêle chez Ruff Majik du
Doom, du Heavy-Psych, du Stoner acide, du Psycho-Punk et même
quelques gammes de Black-Metal ! C'est le grand choc,
l'énumération des genres musicaux ne reflètent pas vraiment
fidèlement ce qui est à entendre chez ces trois musiciens. Ce sont
des savants fous mélangeant les fioles avec un un ricanement
démoniaque.
Cet
album m'a aussitôt donné envie de fouiner dans leur discographie,
et le moins que l'on puisse dire, c'est que ces trois hurluberlus
sont de sacrés clients. Toutefois, « Tårn » est
leur disque le plus abouti. Le son est prenant de bout en bout :
il règne un souffle, un grondement boueux qui donne une dimension à
ce Doom-Psych une saveur très particulière.
Que faut-il en retenir ?
L'album
débute par le terrifiant 'Schizophrenic', dont les premières gammes
ne sont rien d'autres que du Black-Metal joué par un groupe de
Heavy-Blues. Puis s'en suit un riff proche de Kyuss
complètement hypnotique. Le tempo s'accélère parfois jusqu'à la
démence, quasi-thrashy. La voix de Holiday est celle d'un gamin fou,
une gargouille Psychobilly. La guitare grogne, la basse gronde, la
batterie tabasse. Il faut quelques écoutes pour apprivoiser cette
exubérance sonore.
« Gloom
& Doom » est un pur Doom-Metal psychédélique massif. Les
lignes vocales beatlesiennes ne sont pas sans rappeler Uncle Acid
And The Deadbeats. Toutefois, il règne un climat malsain, une
colère noire qui rend la musique de Ruff Majik plus agressif
et plus teigneuse. Basse et guitare équarrissent de grands quartiers
de viande dans la bête infernale du Doom millésimé. « I'll
Dig The Grave » poursuit le cauchemar infernal. Toutefois le
tempo se fait Punk. On dirait les Damned jouant avec Tony
Iommi de Black Sabbath.
« Dread
Breath » débute par une tempo de charley infernal et par un
riff Desert-Stoner du plus bel effet. On s'attend presque à entendre
John Garcia chanter. Mais c'est bien la voix de gamin infernal
de Holiday qui poursuit le parcours initiatique. Le riff est
obsédant, la section rythmique galope. Le morceau se termine dans
une avalanche de gammes Doom incandescentes.
Le
lien entre chaque piste est un larsen menaçant annonçant la
prochaine colère sonique. « Heretically Happy » est un Doom-Metal possédé, à la fois massif comme une montagne de granit
à la tombée de la nuit un soir d'orage, et sale comme un caniveau
parisien un jour de pluie. Il est important de préciser qu'à chaque
envolée doomy, nos trois garnements ont un groove étonnamment
contagieux. On sent battre dans tout son corps la mesure du riff
mastodonte.
« Speed
Hippie » est une espèce de copulation entre Kyuss et
Hawkwind. La ligne mélodique est basique, le son obsédant.
On se retrouve presque propulsé à l'époque des concerts gratuits
avec les Pink Fairies, Man et Hawkwind, Lemmy
Kilminster alignant de grands lignes de basse grondante sur les riffs
obsédants de Dave Brocke. Ce morceau est comme un hommage
à ces fous du Heavy-Acid-Metal du début des années 70, avec une
vraie personnalité. Car la coda Heavy-Blues est absolument superbe.
Ruff
Majik semblent être de petits érudits qui connaissent leur sixties, car leur dernier morceau
s'appelle 'Seasoning Witch', clin d'oeil à 'Season Of The Witch' de
Donovan. Là s'arrête la comparaison, car nos trois
desperados acides se lancent dans un Doom-Rock psychotique. Les riffs
raclent le hêtre du manche, les voix se mêlent en un choeur
halluciné.
Ruff
Majik vient de produire un excellent second album. Il est en tout
cas, et incontestablement, le meilleur album de ce début d'année
2019. Le trio de Pretoria est aussi une formation dont la
discographie est à découvrir de toute urgence, riche, variée, et
originale comme peut l'être le trio sur ce nouveau disque
indispensable, officiellement dans la course des albums de l'année.
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