Le
Stoner-Rock est un vaste monde, une grande famille. Les réseaux
sociaux et internet permettent désormais d'écouter des centaines de
groupes à travers le monde. Pourtant, dans le flot de ce vaste
robinet de musique, beaucoup restent totalement inconnus, ou du
moins, très méconnus. La Planète Du Stoner-Rock est une
modeste institution en ligne française animée par de vrais
passionnés. Toutefois, ils nous arrivent de louper des groupes
formidables. Nous avons chacun nos petits préférés, ceux dont nous
attendons les sorties avec impatience.
Il
y a aussi les labels dont la production de qualité constante
attirent notre attention, plus que d'autres. Personnellement, et sans
émettre le moindre jugement sur mes camarades qui font sans aucun
doute de même, je me fais un devoir de fouiller partout, d'écouter
inlassablement des albums venus de partout, sur d'obscures labels,
parce que parfois, c'est là que se trouve l'or caché des Templiers.
Witchskull
fait partie de ces petites trouvailles obscures et lointaines qui dès
leur premier album, fit vibrer mes oreilles avec délice. L'album
s'appelait « The Vast Electric Dark » et datait de
2015, et il était une fantastique roquette de Doom-Metal hargneux.
A Driftwood Cross, une étape majeure dans la discographie de Witchskull
Witchskull
est composé du guitariste-chanteur Marcus De Pasquale, du bassiste
Tony MacMahon, et du batteur Joel Green. Ils se sont formés à
Canberra en Australie à la fin de l'année 2014. En 2015, ils ont
l'opportunité d'enregistrer une première démo à Melbourne aux
studios Goatsound avec Jason Fuller de Blood Duster aux commandes.
Ils vont capter huit morceaux en trois jours, qui serviront de
matière à un premier album : « The Vast Electric
Dark ».
Les
retombées du disque sont plutôt bonnes pour un premier opus aussi
vite enregistré, et après une aussi courte existence. L'album
atteint la tête des classements Doom dans plusieurs pays européens
et aux Etats-Unis. Le disque est distribué au niveau mondial par
Ripple Music. Durant trois ans, Witchskull ne tourne pourtant qu'en
Australie et en Nouvelle-Zélande.
Ce
joli succès leur permet toutefois de se rendre en 2018 à New York
pour y enregistrer un second disque aux Studios G de Brooklyn sous la
houlette du mythique Billy Anderson, producteur légendaire de Sleep,
Eyehategod et Cathedral. La musique est captée live en studio afin
de conserver l'énergie du groupe, fort de presque 150 concerts en
trois ans. A la fin des séances, Witchskull a même le privilège de
jouer sur la scène du Saint Vitus Bar de New York, et en tête
d'affiche. Le disque, nommé « Coven's Will »,
sera distribué par Rise Above, le mythique label de Lee Dorrian.
Les
dix-huit mois les verront reprendre la route à travers l'Australie
et la Nouvelle-Zélande, faisant encore patienter l'Europe qui les
attend de pied ferme. L'année 2020 devait être la première
opportunité, elle sera repoussée à cause du maudit virus, point
d'orgue d'une année de merde dont il vaut mieux encore se méfier.
Cette
fameuse tournée était l'occasion de faire découvrir ce nouvel
album : « A Driftwood Cross ». Sa pochette
ornée d'une jolie sorcière anglaise en prière, est typique de
l'imagerie développée par Rise Above, mais cache la vraie nature de
cet album. Car Witchskull n'a pas décidé d'abandonner le Doom-Metal
pour le Heavy-Psyché avec des flûtes traversières et des voix
féminines. Le trio est resté fidèle à un Doom incendiaire porté
par la voix rocambolesque de puissance diabolique de De Pasquale.
Il
est d'ailleurs intéressant de s'arrêter sur l'univers culturel de
Witchskull. Si la brutalité de sa musique a quelques antécédents
en Australie (AC/DC, Rose Tattoo, Lobby Loyde, Billy Thorpe And The
Aztecs, Buffalo, Masters Apprentices), les références sont avant
tout anglaises : la forêt, les sorcières, la magie noire
d'Aleister Crowley, les films de la Hammer, Black Sabbath, Budgie,
Judas Priest, Trapeze. Budgie est un bonne exemple de comparaison,
comme Trapeze d'ailleurs. Ces deux trios, le premier gallois, le
second de Birmingham avec Glenn Hughes au chant et Mel Galley à la
guitare, développaient un Heavy-Metal lourd et hybride, cru, avec
des guitares massives et des voix haute-perchées. Witchskull semble
sortir d'un moule hybride façonné dans le Black Country anglais et
le proto-heavy australien du tout début des années 70. On peut même
y ajouter une petite touche de New-Wave Of British Heavy-Metal, avec
quelques scories sonores de Diamond Head, Holocaust et Samson dans le
viseur.
« A
Driftwood Cross » est sans aucun doute le meilleur album de
Witchskull à ce jour. Parfaitement affûté, il a conservé
l'agressivité des deux premiers opus, mais a su la dompter. « The
Vast Electric Dark » et « Coven's Will »
étaient deux superbes uppercuts de Doom-Metal rageur. « A
Driftwood Cross » est de la même espèce, mais dompté
pour plus de violence froide. Le son est puissant, maîtrisé,
massif. Les instruments sont distincts, contrôlés dans leur rage.
Que faut-il en retenir ?
Le
déroulement de l'album est une progression perturbante vers la folie
des hommes. Il débute par le classique et efficace 'Black
Cathedrals'. Le riff est presque boogie, comme un Status Quo possédé.
Marcus De Pasquale est décidément un vocaliste étonnant, doublé
d'un sacré bretteur dont le feeling Blues transpire à chaque note
de solo. 'This Silent Place' est un curieux morceau, qui croise New
Wave et Heavy-Music. La folie urbaine qui imbibe peu à peu la ligne
mélodique rappelle bien des bas-fonds, de Manchester à Canberra.
'The
Red Altar' marque un premier tournant, avec son riff massif.
Witchskull se démarque du Heavy-Doom massif de Reverend Bizarre,
Candlemass et Lord Vicar du Nord de l'Europe pour quelque chose de
plus obsédant et psychédélique.
'Dresden'
poursuit le disque. C'est une véritable fusée explosive de
Speed-Doom dont les références historiques sont les bombardements
infernaux de février 1945 sur la ville, comparés à une tempête de
feu. De la cavalcade originelle, le morceau glisse dans le Doom
nocturne. Les silhouettes des âmes perdues déambulent dans la ville
en flammes.
'March
Of Winter' est un cataclysme sonore, une quintessence de Heavy-Metal
lourd, qui surpasse facilement de deux têtes l'excellence déjà
exposée précédemment. Le riff teigneux, le chant fracturé,
blessé, font de ces quatre minutes un absolu sonore.
'Nero
Order' a de nouveau des relents de New Wave. Il y vibre la musique de
Joy Division et Wire avec l'urgence métallique de la ville
australienne. La mélodie est perturbante. On a l'impression de
perdre le groupe. Il s'aventure sur des terres mystérieuses, ce trio
australien de Doom-Metal.
'A
Driftwood Cross' clôt le disque de son riff Doom sans concession.
Quelques accords semblent rappeler d'autres horizons. Le disque est
une stèle de Heavy-Doom sans concession, avec un son parfait,
granitique, massif. Les derniers accords Doom de 'A Driftwood Cross'
semblent vouloir marquer un univers, une génération, un esprit.
Ce
troisième album est une réalisation majeure. Witchskull a brûlé
toutes les étapes du groupe Doom maudit. En cinq ans, le trio a
publié trois albums capitaux, alimentés par l'énergie de la scène
rude de l'hémisphère Sud. « A Driftwood Cross »
est un album capital de la scène électrique moderne.
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