Causa Sui. Ce nom est particulier pour moi. Il est l’une des raisons pour laquelle je participe à ce blog depuis bientôt cinq ans. En effet comment des musiciens qui créent une musique si belle et riche peuvent rester dans l’ombre ? Je ne sais comment répondre à cette question mais depuis ce temps je guette chaque sorties du groupe d’Odense fébrilement. C’est donc avec une excitation certaine que je me lance à l’écoute de ce 'Szabodelico'.
'Szabodelico' voit Causa Sui revenir peindre les reflets de l'été
Bon avant de démarrer cette chronique il va falloir vous parler de Gabor Szabo car comme vous l’avez probablement remarqué, cet album est placé sous le signe du musicien hongrois. Musicien de Jazz, ayant choisi la guitare comme instrument de prédilection le musicien hongrois a sévi surtout pendant la période dorée fin 60 à fin 70. Comme bon nombre d’autres musiciens jazz de l’époque, Gabor s’intéresse au rock qui explose alors pour le mélanger à son son jazzy. Il incorpore également des airs tziganes venant du champ folklorique hongrois. Gabor Szabo est un musicien unique en son nombre et, bien qu’ayant manqué la notoriété qui lui été dûe, il restera un des musiciens majeurs de ce jazz hybride.
L’album
s’ouvre sur Echoes of Light. Skott, le batteur, ouvre la piste qui
est plutôt une piste d’échauffement pour Gabor’s Path. Le
titre est un chaud comme un souffle d’été. Les grelots de Skott
donne un air chamanique, mais c’est surtout les riffs de monsieur
Munk qui font tout le travail. Comme le nom du titre le laisse
penser, on a l’impression de retrouver les mélodies tziganes que
l’artiste hongrois pouvait délivrer et qui sont ici animées par
Jonas. On retrouve également le clavier de Rasmus qui apporte une
petite touche de rêverie à ce titre. Pour
la suite on part sur Sole Electricco une des plus belles pistes de
cet album. On retrouve le jeu jazz pour Skott à la batterie et
la mélodie discrète de Munk à la gratte bien soulignée et mise en
valeur par la basse de Jess Kahr. On retrouve sur Sole Electricco
cette propreté sonore, ce jeu ciselé qui est la marque de Causa
Sui. Il s’agira de l’un des tubes du groupe et qui sera
certainement sur la set list live. Tout est là : une douceur certaine,
un groove qui fait bouger l’auditeur, une graduation lente mais
certaine avant que les percussions et la guitare emballent ce titre
aux saveurs italiennes .
Under
The Spell est une autre pièce magnifique. Une ouverture sur la
grosse basse de Jess avant de voir le riff oriental de Munk prendre
le pas. Cette mélodie fait penser à un vieux film des 70’s à la
pellicule dépassée mais au parfum enivrant. La basse fait beaucoup
sur ce titre, et Under the Spell ne renvoit pas qu’à Gabor mais
aussi à des groupes plus moderne comme Khruangbin. C’est mon titre
préféré et dont je me suis surpris à siffloter la mélodie
plusieurs heures après l’écoute de l’album tellement elle est
belle et efficace. Je vous en laisse juge.
Vibratone
est brûlant. On est jeu presque afro beat de Skott à la batterie
accompagné d’un riff très oriental de Jonas, qui semble être
inspiré de 'Bacchanal' de Szabo. Je n’avait pas encore parlé des
petites touches de synthé ajouté ici où là. Les deux en sont très
friands, dans leurs projets solos, de ces synthés aux sons 60's-70's, et le claviériste a également un autre projet chez El Paraiso pour déployer
ce son des premiers temps de l’électro. Il est tout normal de les
voir incorporer ici. Mais ils restent discrets soulignant seulement
le jeu des deux maestros. Laetitia
est un autre titre doux et mystérieux. Il fait la part belle à un
autre instrument que l’on avait à peine entendu : la flûte. Celle
ci est mise au premier plan, reléguant les autres dans le paysage. Il
en sort une impression de vieux film, une peinture de grands espaces
mélancoliques entourés de halos brumeux.
Szabodelico
arrive en enfin. Titre
éponyme de l’album en hommage au grand Szabo ! Skott reprend
son jeu souple à la batterie, sa cavalcade puis Munk intervient
dépeignant le soleil. Le danois dispose d’un son de guitare plus
clair, comme pour rendre hommage au jeu de Szabo. Le morceau
s’emballe doucement, se voyant entouré d’un halo brumeux sonore. La
science de la mélodie du groupe fait des siennes, le riff principal
joué par Munk est parfait et donne envie de taper du pied et de
bouger dans tout les sens. Il s’agit d’une variation du
même riff qui, petit à petit, se voit enrichit. Szabodelico
donne vraiment l’impression d’être né d’une improvisation
jazz où chacun des deux génies, Skott et Munk, donnant l’impression
d’aller où il veut mais se rejoignant aux bons moments pour
préserver toute l’unité du morceau. Le final est intense et
l’auditeur finit sur les rotules à la recherche de son souffle.
Gabor Szabo est comme ressuscité le temps d'un album
Après la tempête Szabodelico, Honeydew est là pour réconforter son auditeur. Un son chaud et calme, une mélodie douce et sucrée joué par Munk. Ici c’est la star c’est le synthé ; la guitare et la batterie soulignent au lieu de dépasser l’ambiance posé par Rasmus au synthé. C’est la douceur de la couette du dimanche matin. La suite se fait avec Lucien’s Beat où le titre rigolo en français. Outre le jeu écrasé de Munk et le groove tout en rimes de Skott, il se dégage une atmosphère presque post rock de Lucien’s Beat.
Causa
Sui poursuit son voyage au coeur de l’été avec Rosso di Sera Bel
Tempo Si Spera. Les percussions et la basse de Jess donnent un air
très latino au titre. Il s’en dégage une atmosphère lancinante
tel 14h l’été sous un soleil de plomb. Après
la chaleur vient le vent frais du large avec La Jolla. Le premier
titre dévoilé de ce 'Szabodelico' nous rappelle pourquoi la période
estivale est si belle et constitue une immense source d’inspiration
pour les danois. Le jeu de Causa Sui coule comme de l’eau claire
changeant de temps à autre de saveur pour inciter l’auditeur à
poursuivre son vagabondage sous le ciel étoilé de juillet.
Merging
Waters aurait pu être fait dans les 70’s. Que cela soit le son
électro ou les riffs duveteux de Munk-Szabo, tout renvoi à cette
époque. Le
son de vieux ordis naissant sous les doigts de Rasmus emmène le riff
chaud et mélancolique de Munk avant que Skott arrive lui aussi tout
en douceur avec la basse. Causa Sui donne l’impression de vouloir
prendre son temps dans ce Merging Waters, détachant chaque note pour
l’embellir. Le
morceau est lent et se traîne comme une promenade en bord de mer un
soir d’été. Ce n’est assurément pas le titre pour faire la
fête mais plutôt à écouter au casque lors d’une balade ou
allongé sur le canap' à dévisager le plafond.
Que faut il en retenir ?
Bon vous avez sûrement remarqué à la tartine de texte que j’ai écrite que j’ai vraiment adoré cet album. En fait, si je peux permettre, cet album rejoint un album de Jazz qui m’est très cher ('The Epic' de Kamasi Washington) dans l’impression qu’ils donnent de dépasser leur média. Ce n’est plus seulement de la musique ; il s’agit de bien plus que cela. C’est une peinture d’émotions et de sentiments, qui enrichit et réconforte son auditeur ; le transcende dans une autre version de lui-même. Il m’est difficile de décrire ce sentiment avec des mots tellement ils sont limités pour décrire ce que je ressens. Je peux simplement vous dire que si vous aimez la musique psychédélique et les titres atmosphériques, alors foncez, il est tout bonnement impossible que vous sortez déçu de ce Szabodelico.
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