Bien qu’il occupe la première place de mon top 15 des meilleurs albums de 2021, je me devais de combler un vide en lui dédiant une chronique. « No Aizkurienes » (qu’on pourrait traduire par « l’au-delà » en français) est le premier album des lettons de Zintnieks (Le Sage). Ce coup de foudre a eu lieu sur Bandcamp, j’étais à la recherche d’un son à me mettre sous la dent. Mais pas n’importe quel son, un son comme on en entend que trop rarement. Mon iris s’est alors posé sur une jaquette, sombre et intrigante. Au moment du clic de souris, je ne savais pas qu’un torrent de dopamine allait déferler dans les synapses de mon cerveau…
« No Aizkurienes », un album empreint de mysticisme brumeux
Cette pépite s’ouvre avec le titre ‘Tumsais Zintnieks’ (Le Sage Noir) qui débute avec une ligne de basse sobre, avant que la guitare ne s’avance sur le devant de la scène avec ces mêmes notes tout en apportant un côté quelque peu « oriental » La batterie vient en soutien, les amplis chauffent puis le riff principal entre à son tour dans la danse, porté par une voix semblable à celle d’une prêtresse. Le solo de guitare qui suit est simple mais marqué d’un raffinement certain, avec des effets de guitare particulièrement savoureux. Puis, une pause s’annonce. Les décibels descendent, la magnifique voix résonne tel un écho à travers les champs tout en étant accompagnée par ces quelques notes de guitare envoûtantes. Une lignée mélodique en somme, quelques instants de calme avant que la tempête des riffs surgisse pour disparaître, de nouveau, dans un brouillard mélodieux…
Ce premier titre donne le ton sur la construction des morceaux, puisque ‘Alkonauts’ présente le même ciment. Un savoureux mélange entre riffs telluriques et des parties plus légères, raffinées et douces. Par cette construction, ’Alkonauts’ est sans aucun doute l’un des meilleurs titres que j’ai écouté ces dernières années. Le riff principal, hypnotique à souhait, s’immisce dans la tête pour y rester des jours durant. Et que dire de ces solos de guitare somptueux ? Ils permettent d’apprécier encore plus les riffs, mais ils démontrent une cohérence dans les choix artistiques et sonores du groupe letton. Je défie quiconque de ne pas apprécier le titre lorsqu’il arrive à sa moitié : nous sommes en présence d’un ensorcelant mélange entre riffs, solos, effets psychédéliques… pour un résultat tout bonnement magnifique et qui emporte son auditeur au loin…
‘No Aizkurienes’, titre éponyme, s’ouvre de telle manière qu’il me fait penser à ‘From Beyond’ des californiens de Sleep. Une entrée de manière simple, voire presque discrète avant que les roulements de fûts de batterie nous préparent à recevoir les riffs de guitare. Ce morceau de plus dix-huit minutes est particulièrement dense. S’il conserve la même architecture, ce titre demeure plus subtil par les nombreux effets présents dans la musique. L’un des moments fort de ce titre arrive autour de la dixième minute : alors qu’on entend de l’eau qui coule, quelques notes reviennent en boucle, de telle façon à en faire perdre la notion du temps. Et, sans prévenir, les choses s’emballent : les notes sonnent de façon puissante, les guitares s’emballent et la batterie se matérialise par de puissants coups portés sur les fûts. Enfin, le déferlement s’atténue et semble ralentir, donnant au titre une facette doom qui se veut plus traditionnelle.
Zintnieks conclut son album par le titre ‘Dumaka Nirejs’ (Le Plongeur Enfumé). Dès les premières secondes, on a l’impression de se retrouver dans un désert au Moyen Orient. En effet, les quelques notes de guitare donne résolument un ton orientaliste, comme si qu’on retournait au point de départ de cette épopée musicale. Cela est l’occasion de mettre encore plus en valeur le chant, assuré par la chanteuse Elizabete. C’est l’une des composantes les plus importantes de la musique du groupe, en effet la chanteuse a un timbre de voix particulièrement plaisant à l’oreille, qui sait monter en hauteur sans être déplaisant. Un peu plus tôt, j’employais le terme de « prêtresse », et au fur et à mesure des titres, c’est véritablement ce rôle qu’elle semble avoir. C’est comme si qu’elle était au centre et que la musique tournait autour d’elle et de son envoûtante voix. Cela est particulièrement accentué sur ce titre, notamment par l’ambiance qui s’en dégage avec des côtés davantage « drone » que « doom », laissant au titre une aura lugubre, sombre et empreint de désespoir dans lequel l’esprit sombre dans l’indifférence…
Que faut-il en retenir ?
Les lettons de Zintnieks réalisent un véritable tour de force avec « No Aizkurienes », un album qu’on peut étiqueter dans le doom metal, mais qui offre bien plus à ses auditeurs. Un certain onirisme, voire romantisme se dégage de cet album par la maitrise et la construction des morceaux. Cette alternance entre moments puissants et calmes, couplée à la grande maitrise des artistes font de « No Aizkurienes » l’un des meilleurs albums de ces dernières années. Le dépaysement est total, notamment porté par cette magnifique voix féminine dont les paroles, chantées en letton, ajoutent une touche d’exotisme. La partie instrumentale vient parfaire le tout, que ce soit par les riffs, les effets psychédéliques ou bien les mélodies plus légères et subtiles… En somme, un magnifique album empreint d'une grâce certaine.
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