2022 aura été l’année servant vraisemblablement d’apéritif à ce à quoi pourrait ressembler notre société si la folie des fauves assoiffés d’argent et de pouvoir ne sont pas rapidement maîtrisés. Guerre qui se rapproche de nos petites fesses d’occidentaux en Ukraine, canicule, tempêtes de feu… L’anxiété de la crise du COVID aura laissé la place à d’autres catastrophes, mais une chose est sûre : les belles promesses n’auront pas tenu plus de quelques jours.
La musique, et le monde du stoner-rock en particulier, nous aura apporté une nouvelle fournée de très bons albums et pour cause : tous frustrés d’avoir été prisonniers de leurs quatre murs, dans l’impossibilité de tourner, les groupes ont laissé libre cours à leur créativité et à leur folie. La production fut riche, et la petite sélection qui suit n’est évidemment pas exhaustive. Elle représente cependant bien toute la variété musicale que l’on trouve toujours de nos jours quand on jette aux orties l’immonde boue sonore formatée qui a inondé, qu’on le veuille ou non, notre quotidien.
15/ CRYPT WITCH – RITUAL HERBS
Passé complètement inaperçu, ce disque mérite bien un petit coup de projecteur alors que sa sortie remonte à décembre 2021. Cependant, la sortie de cet album nécessite d’être saluée. Formation en trio allemande, Crypt Witch est un groupe totalement underground et étanche à toute promotion. La musique est totalement instrumentale. Mais elle est rapidement addictive. C’est une sorte de bande-son parfaite de heavy-doom mélangeant Black Sabbath, Pentagram, The Obsessed, et Witchfinder General. Tout est lourd, massif, puissant, et totalement obsédant, comme une version de « Dopesmoker » sans aucun texte et avec la dynamique anglaise en prime.
Il n’y a sans doute pas grand-chose à raconter sur ce groupe obscur, comme le sont nombre des formations doom ou stoner. Mais l’écoute de « Ritual Herbs » devient très rapidement une sorte de possession intellectuelle.Les pistes se succèdent, et la matière sonore se dévoile comme un tout magique et terrifiant. On en saura guère plus sur ce groupe mystérieux. Mais ce premier disque ne fait que confirmer une maîtrise du riff doom majeur, impeccablement accompagné d’une rythmique qui ne fait pas de quartier.
14/ SLEEPWULF – SUNBEAMS CURL
Les doomsters suédois sont de retour en 2022 avec un second album gorgé de morceaux entêtants inspiré de Pentagram et des premiers disques de Witchcraft. Toujours pas de révolution dans le doom : comme le boogie, on attend qu’il soit efficace. Mais c’est aussi une science, et beaucoup se cassent les dents. Pas Sleepwulf qui a compris l’esprit, entre son vintage et modernité. Sebastian Ihme propulse des riffs sales et possédés, surmontés par la voix frêle mais assurée d’Owen Robertson, au trémolo si plaisant. Les titres se succèdent sans temps mort, sur un rythme plutôt enlevé, avec peu d’atmosphères sépulcrales. Sleepwulf a un côté rock indéniable qui lui évite avec brio d’être un nouvel ersatz de Reverend Bizarre. Ce second album permet au quatuor de confirmer son talent, un groupe à suivre de près pour tous les amateurs de heavy-rock doom.
13/ COLOUR HAZE – SACRED
Désormais institution du stoner-rock psychédélique, Colour Haze revient avec un nouvel album. Depuis « She Said » en 2012, le groupe a laissé de la place à des arrangements de claviers pour enrichir sa musique. Le claviériste Jan Faszbender est désormais membre à part entière, et le bassiste historique Philipp Rasthofer a laissé sa place à Mario Oberpucher. Le son global n’en a pas souffert. Colour Haze conserve ce souffle bluesy et heavy-psychédélique unique. L’espace ouvert aux claviers offre une variété musicale plus grande, faisant du quatuor une sorte de Pink Floyd heavy. Sa musique reste fascinante, et Colour Haze continue sa destinée sans perte de régime : ‘Turquoise’, ‘Goldmine’ ou ‘Ideologigi’ confirment que Stefan Koglek et ses camarades sont toujours inspirés. Bel exploit pour un groupe dont la carrière flirte désormais avec les trente ans.
12/ FRIENDS OF HELL – FRIENDS OF HELL
Imaginons un instant Sami Hynninen, alias Albert Witchfinder, l’homme au chant et à la basse de Reverend Bizarre, qui reviendrait au doom-metal pur. Il formerait un groupe inspiré directement du second album des mythiques anglais de Witchfinder General : « Friends Of Hell » en 1984. Et puis un disque sortirait, sur le mythique label de Lee Dorrian Rise Above, et il serait très bon. Eh bien oui, ce disque existe, et il est redoutable. Ceux qui regrettrons Reverend Bizarre à la première écoute n’auront pas compris le concept.
Il s’agit d’une déclaration d’amour au doom-metal européen historique : Witchfinder General, Pagar Altar, Count Raven, Candlemass, Cathedral … et tout est là, patiné avec soin et magnifié. Hynninen est un superbe chanteur et un bassiste redoutable. Un ancien de Electric Wizard sert de complice affirmé à la guitare : Tas Danazoglou. La musique du groupe caramélise entre le doom ancestral et quelques prétentions black-heavy nord-européennes : Bathory, Hellhammer, Celtic Frost… Le disque est une réussite, avec des tueries comme le morceau-titre, mais il reste une comète sans dates de concerts prévues, devenus indispensables.
11/GALAVERNA – WAGDANS
Le monde du stoner-rock ne se limite pas à des grosses guitares graisseuses et répétitives, même si l’on peut résumer l’idée à ce plaisir simple. Pour ma part, il est plus généralement celui de toute une génération de jeunes musiciens qui ont décidé de jouer de la musique comme les anciens, en la réactualisant, et surtout, en y faisant souffler un esprit de liberté artistique qui remonte aux années 1960 et 1970. Trop rapidement classés de revival, ces groupes sont en fait les dignes héritiers d’une musique riche, et proposent des choses toutes aussi passionnantes.
Galaverna est un groupe italien fondé en 2014, mais dont le premier album remonte à 2019 : « Dodsdans ». Dirigé par le chanteur et multi-instrumentiste Valerio Willy Goattin, ce groupe à géométrie très variable a publié un chef d’oeuvre nommé « Wagdans » en 2022. Merveille de fusion de folk-rock anglais et est-européen, avec de nombreuses références aux cultures païennes européennes, on y retrouve les fragrances des plus belles heures du folk anglais : Nick Drake, Pentangle, Fairport Convention… Guitares acoustiques, violon, flûte et piano se mêlent avec subtilité. Parfaitement conduite, la musique de « Wagdans » s’écoute d’une traite, au casque comme un voyage dans de vieilles ruines antiques, au milieu de champs et de paysages sauvages, seul, le nez au vent, sous le soleil d’automne.
10/ TRILLION TON BERYLIUM SHIPS – CONSENSUS TRANCE
Décidément, on arrête plus ces trois-là. Issu du Nebraska, à Lincoln plus précisément, TTBS développe un doom-metal féroce, qui à chaque disque, ne fait que progresser à pas de géant. Le trio composé de Justin Kamal à la basse, Karlin Warner à la batterie et de Jeremy Warner à la guitare et au chant est âpre à l’ouvrage, enchaînant albums et Eps depuis deux ans. Progressant sans cesse, le EP « Rosalee » était indiscutablement meilleur que le pourtant très bon « TTBS ». « Consensus Trance » est une nouvelle pierre angulaire à ce groupe décidément brillant et infatigable. Le côté sale de « TTBS » a laissé la place à la densité d’un doom-metal inspiré des grands maîtres : The Obsessed, Count Raven, Candlemass, Sleep. ‘Weeping Beast’ constitue le grand œuvre de cet album avec ses onze minutes et presque trente secondes de voyage intérieur dans les tréfonds de l’âme. Serti dans des riffs de guitare granitiques, poussé par une rythmique obsédante, survolé par une voix fantomatique, ce titre ne fait que rendre évidente les qualités de composition de TTBS, et sans aucun doute, sa capacité à progresser encore et encore vers la quintessence du doom-metal.
9/ NEBULA – TRANSMISSION FROM MOTHERSHIP EARTH
La légende du stoner-rock US Eddie Glass avait fait reparler de son Nebula en 2019 avec l’album « Holy Shit ». Le batteur Ruben Romano ne faisait plus partie de l’aventure, pas plus que le bassiste historique Mark Abshire. Accompagné de Tom Davis à la basse et d’Adam Kriney à la batterie, Glass avait maintenu son groupe en vie, du moins ne l’avait-il jamais vraiment dissout. Ce retour treize années après « Apollo » en 2006 donnait l’eau à la bouche. Cependant, il manqua quelque chose à Nebula pour ce redémarrage, sensation confirmée à l’écoute du « Live In The Mojave Desert ». Le trio était toujours psychédélique, Glass jouait et chantait toujours fort bien. Cependant, incontestablement, l’identité Nebula n’était pas vraiment là, comme si l’on écoutait un nouveau groupe avec un nom mythique. Alors c’est avec un peu d’appréhension que je me lançai à l’écoute de « Transmission From Mothership Earth ». Le titre augurait du meilleur, retrouvant la vibration acide des premiers disques. Et l’écoute des premiers accords de ‘Highwired’ fut un enchantement : Nebula était de retour. Musicalement, on retrouve les riffs redoutablement lourds et teigneux d’Eddie Glass, cette tension obsédante qui rampait jadis dans les premiers albums de Nebula, mais aussi dans ceux de Fu Manchu dont Glass fut d’abord membre au début des années 1990. Il n’y a rien à redire sur cet excellent nouvel album, qui dévoile aussi une approche plus psychédélique des chansons. Les constructions sont subtilement plus complexes, se transformant en odyssées acides, tout en gardant en continu leur tension furieuse.
8/ SONIC FLOWER – ME AND MY BELLBOTTOM BLUES
Sonic Flower, Sonic Flower… Mais ne serait-ce pas … ? Mais si bon sang ! Le projet parallèle à Church Of Misery du bassiste et leader du groupe Tatsu Mikami. Le premier album remonte à 2003, et il resta orphelin pendant presque vingt ans. Mikami a réuni autour de lui le premier chanteur de Church Of Misery Kazuhiro Asaeda, le guitariste de blues-rock Fumiya Hattori, et le batteur Toshiaki Umemura. S’éloignant sérieusement du doom-metal de Church Of Misery, Sonic Flower pratique un stoner-rock psychédélique décapant. Le disque est vraiment excellent, et propose même une version de plus de huit minutes du ‘Poor Girl’ du groupe de blues anglais Savoy Brown, signe d’un incontestable bon goût. Quelques uppercuts acides sont aussi à signaler : ‘Swineherd’, ‘Love Like A Rubber’, ou ‘Captain Frost’. Les quatre samouraïs font parler la poudre quarante-six minutes durant. L’album se termine sur la fantastique embardée heavy’n’acid ‘Sonic Flower’ de presque dix minutes. Sonic Flower vient de sortir un disque généreux, transpirant le heavy-blues stoner cradingue, absolument irrésistible.
7/ FUZZ SAGRADO – A NEW DIMENSION
Un soir, alors que je rejoins ma couche pour une courte nuit de sommeil avant le retour au bureau quotidien, je reçois un message. C’est Kris Peters qui me transmet un lien pour télécharger l’album de son nouveau projet : Fuzz Sagrado. Nous avons développé une amitié épistolaire liée à mes chroniques de jadis sur Samsara Blues Experiment, que je tentai modestement mais de toutes mes forces de soutenir, convaincu qu’il s’agissait de l’une des meilleures formations de rock des années 2010. J’avais suivi la fin du mythique groupe allemand, la désillusion de Peters, et sa lente reconstruction personnelle entre spiritualité, voyages, et expérimentations musicales. Nous étions restés en lien à distance. Je comprenais sa décision autant que sa douleur. Comment en aurait-il pu être autrement lorsque l’on a jeté toute son âme, accompagné des meilleurs musiciens, dans une bataille féroce qui se termina dans la poussière ? Samsara Blues Experiment est lentement en train d’être réévalué, jusqu’aux pointures du rock psychédélique en France : Philippe Thieyre a sélectionné « Revelation & Mystery » dans son ouvrage sur les 150 Figures de Rock Psychédélique aux Editions du Layeur.
Je reçois tardivement ce message, car Kris Peters est désormais résident au Brésil depuis quelques années. Nous échangeons, je lui promets d’écouter attentivement ce nouvel album. Lorsque je me lance enfin quelques jours plus tard, non sans appréhension par rapport à l’héritage de Samsara Blues Experiment, je suis conquis. Fuzz Sagrado a retrouvé la vibration. Kris Peters, après tant d’errance et de désillusion, propose un disque magnifique, rappelant les plus belles heures de SBE.
Fuzz Sagrado est un projet solo. Kris Peters a tout enregistré, patiemment. Mais sa voix épique et puissante, ses licks de guitare si caractéristiques sont là. Comme sur les derniers albums de SBE, on trouve de nombreux arrangements de claviers qui apportent une grande richesse sonore. La rythmique est solide, parfaitement en accord avec le reste de la matière, dévoilant que ce disque n’est assurément pas une démo, mais bien un véritable album fait avec soin. Paru en ligne, l’album est depuis sorti en vinyle, et la scène titille Kris Peters. Un nouvel album est également en cours d’élaboration. « A New Dimension » est la résurrection artistique d’un grand homme du stoner-metal, et du rock tout court. Et il va falloir que cela se sache.
6/ HANGMAN’S CHAIR – A LONER
Les parisiens de Hangman’s Chair sont revenus d’entre les morts après avoir vu leur carrière sabotée par une trop belle promesse d’un label international. Récupéré par Nuclear Blast, Hangman’s Chair revient avec un album puissant et intense, digne successeur de « Banlieue Triste ». En quatre ans, le groupe a évolué sans perdre son âme. La rage et la mélancolie se sont patinées par l’expérience et la scène retrouvée. Dotés de moyens supérieurs, « A Loner » est une nouvelle étape dans l’univers sonore unique de Hangman’s Chair fait d’une sorte de puissance glaciale qui règne sur chaque morceau, portée par la voix ample d’enfant perdu de Cédric Toufouti. Sa guitare rythmique croise celle de Julien Chanut, et élèvent à eux deux un étrange mur du son, poussées par la rythmique du bassiste Clément Havic et du batteur Mehdi Thepegnier. Il est difficile de dire si ce disque est meilleur que les autres. Il est indéniablement tout aussi bon, et constitue une pierre angulaire de plus à leur discographie impeccable.
5/ 40 WATT SUN – PERFECT LIGHT
Patrick Walker est revenu aux oreilles des amateurs de doom et de stoner alors que le monde s’était éteint. Incontestablement, il avait sans doute trouvé un univers à la hauteur de ses vertiges émotionnels. Walker reste un doomster avec Warning, mais il se sent infiniment plus pertinent avec 40 Watt Sun, qui sort son troisième disque sous ce nom. Le doom granitique de Warning évolua jadis pour laisser la place à un son électro-acoustique à la John Martyn qui trouvera son premier achèvement avec le superbe « Wider In The Sky » en 2016. Depuis, Walker se montrait discret, comme toujours. Il revint, toujours aussi modeste et inspiré avec les compositions de ce superbe nouvel album nommé « Perfect Light ». Si l’on veut être honnête, le morceau d’ouverture ‘Reveal’ se montre décevant : un peu répétitif, il doit se confronter à la montagne d’excellence de l’oeuvre de Walker précédant ce disque. Cependant, dès ‘Behind My Eyes’, l’âme précieuse de Patrick Walker rugit à nouveau à pleins poumons. Elle est si belle, sa musique. Elle pénètre la chair, prend en main les canaux lacrymaux du visage, et vous emmène vers des terres sombres que vous tentiez d’éluder avec acharnement, jusqu’à ce que Walker, en quelques notes de guitare et de piano, vous oblige à vous regarder en face. Là réside toute sa puissance, avant tout émotionnelle. Et les chefs d’oeuvre se suivent à nouveau : ‘Until’ et son martèlement acoustique féroce, qui vous jette au bord du vide à chaque accord, ‘The Spaces In Between’, sa douceur ouatée, et sa tristesse infinie, le granitique ‘Raise Me Up’, quasi-blues effrayant… Une fois encore, 40 Watt Sun a été à la hauteur de sa réputation, et Patrick Walker, à celle de son talent, immense.
4/ ECSTATIC VISION – ELUSIVE MOJO
Les américains d’Ecstatic Vision, dignes successeurs du Hawkwind période heavy-psychédélique des années 1972-1974 avec Lemmy Kilmister à la basse, sont de retour avec ce cinquième album cinglant. La formule n’a pas changé : des guitares rageuses et pleines de wah-wah, une basse grondante bardée de fuzz, une batterie nerveuse, un chant et un sax rugissants, et des morceaux d’environ six minutes complètement hallucinés et irrésistibles. La formule n’est peut-être pas foncièrement novatrice, mais Ecstatic Vision réussit à chaque album à renouveler le prodige de faire vivre la férocité cosmique de cette musique née en Grande-Bretagne il y a cinquante ans en la dépoussiérant et en lui apportant une fougue merveilleuse. Des morceaux comme ‘Venom’ et ‘The Comedown’ témoignent aussi de leur capacité à se montrer inventif. L’énergie du groupe reste avant tout celle de la scène, et l’on se régale déjà du live annoncé en 2023 : « Live At Dunajam ».
3/ DECASIA – AN ENDLESS FEAST FOR HYENAS
Deuxième grande sortie issue du rock français, voici Decasia. Originaire de Nantes, Decasia a sorti deux Eps en 2014 et 2017. Désormais localisé sur Paris, et signé sur Heavy Psych Sounds, le trio publie enfin son premier album. Et quel album ! Le bassiste Fabien Proust et le guitariste Maxime Richard, alias Heavy Seas, abattent un travail incroyable, soutenu par les roulements de caisses de Geoffrey Riberry. Si l’on pourra trouver quelques ressemblances sonores avec les as toulousains de Slift, ce qui est loin d’être une critique, Decasia a cependant une approche du stoner-metal psychédélique très personnelle. Là où Slift joue sur les univers épiques, Decasia opte pour la tension acide. On y trouve ainsi autant Hawkwind, Colour Haze que les Osees. Les chansons sont prenantes, les guitares fumantes à souhait. L’album offre quelques merveilles comme ‘Cloud Satan’, ‘Override’, ou ‘Laniakea Falls’ preuve que Decasia est en pleine possession de ses moyens créatifs. Le groupe a été taillé par la route, et l’énergie développée sur disque, ainsi que sa spontanéité est assurément un de ses grands atouts.
2/ KING BUFFALO – REGENERATOR
Le trio de Rochester est décidément inarrêtable. Après deux albums en 2021, dont le fabuleux « Acheron », King Buffalo revient avec « Regenerator ». Emporté dans une spirale d’excellence créative, ce nouvel album réussit le pari de réunir l’esprit des longues jams psychédéliques de « Acheron », et la vigueur stoner-rock de « The Burden Of Restlessness ». On y trouve aussi un peu de l’univers planant et ouaté entre Pink Floyd et Sungrazer, comme sur le magnifique morceau-titre. Globalement, on sent que King Buffalo a légèrement épuré sa musique, laissant davantage de place aux échos et à un esprit space-rock. Cependant, la fureur éclate encore, comme sur ‘Hours’. Pas question pour King Buffalo de lâcher son mordant. Le trio est en constante évolution, mais le terme de progression n’est pas juste : le trio en est à un point où ses trois derniers albums sont de très haut niveau. Ils sont différents, explorent de nouvelles contrées, au gré de l’état d’esprit de ses musiciens. Après l’introspection dans la grotte de « Acheron », c’est la régénération après la crise du COVID, le retour à l’attaque, avec de nombreux tempos rapides, une dynamique puissante qui rend « Regenerator » étourdissant du premier au dernier morceau.
1 / ELDER – INNATE PASSAGE
Les maîtres sont de retour. Après le pas hésitant nommé « Omens » en 2020, qui n’aura jamais connu aucune destinée scénique, Elder est reparti rechargé à bloc. Nick DiSalvo à la guitare et au chant, Jack Donovan à la basse, Michael Risberg à la guitare et aux claviers, et Georg Edert à la batterie, désormais installés à Berlin, se sont relancés dans un assaut à perdre haleine des scènes mondiales. Elder alla jouer partout en Europe et aux Etats-Unis, se produisant également en première partie des maîtres du doom US Pallbearer. La liste des concerts est interminable, et Elder s’est à nouveau forgé au contact de la scène et de la route. C’est la plus belle école, surtout après deux longues années d’enfermement. L’album qui en est expulsé s’appelle « Innate Passage » et est assurément le chef d’oeuvre électrique à ne pas louper.
« Innate Passage » est un très grand disque de Elder, composé de cinq pièces de musique solide au long cours. On y retrouve la ferveur de « Lore », mais avec la richesse décuplée de « Reflections Of A Floating World » de 2017, et puis d’autres finesses que la scène a forgé. « Innate Passage » est passionnant de bout en bout, et cela est avant tout dû à son attachement à la dynamique du voyage. Le grand sommet du disque est « Merged In Dreams – Ne Plus Ultra » et ses presque quinze minutes, mais l’album est un ensemble passionnant, s’écoulant avec finesse, comme sait si bien le faire Elder.
1 Commentaires
Encore une sélection très éclectique et originale
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