Une journée en Lévitation
Samedi 27 mai 2023 - Angers, France
En cette année 2023, le festival Lévitation, qui se déroule chaque année à Angers, vient de souffler ses dix bougies. Habitant sur Angers, je suis un « régulier » du festival même si j’ai loupé quelques éditions. Je peux quand même me targuer d’avoir été présent lors de la toute première édition en 2013 avec, en tête d’affiche à l’époque, les américains de The Black Angels. Dix ans plus tard, le festival a parcouru un petit bout de chemin avec un déménagement au « Quai » avant de retrouver ses racines au Chabada depuis 2021.
Cette année, le festival a poursuivi sur sa continuité « programmatique » en mêlant des groupes connus et d’autres plus méconnus. Amateurs de stoner et autres musiques lentes et lourdes, cette année - contrairement à 2021 avec la venue de Slift et Mars Red Sky - nous étions dans des terres bien plus légères et « grand public » avec les Dandy Warhols et Altin Gün en têtes d’affiches. Mais tout en assurant son lot de surprise avec des groupes qui sortent des sentiers battus avec les Lambrini Girls ou encore les français de Psychotic Monks et Meule !
C’est après avoir patienté dans la file qui mène au festival que mes pieds foulent le sol du Lévitation aux alentours de 18 heures. Le groupe Meule officie sur la scène principale « réverbération », avec son duo de batterie accompagné d'un synthé modulaire. Bien loin de mes registres musicaux habituels, le groupe parvient à créer une ambiance électronique loin d’être déplaisante où le rythme prend une place central dans la structure des titres. Le groupe termine son set tandis que je me dirige, bien accompagné, vers le bar avant de se positionner pour les Lambrini Girls.
Les Lambrini Girls sont venues d’Angleterre pour distiller leur punk teinté de garage sur la scène « élévation ». Autant vous dire qu’elles étaient déterminées à marquer au fer rouge cette dixième édition du festival : au bout de quelques minutes, la chanteuse se mêle à la foule et lui demande de s’asseoir. Le public se prête au jeu et suit les indications de la chanteuse qui cherche énormément l’interaction avec la foule. C’est justement cette recherche d’un lien, tant physique que psychique avec le public, qui fait tout le charme du groupe. « Grrrl Power ! »
Après toute cette effervescence, les anglais d’Ulrika Spacek (qui étaient déjà venus en 2017) nous ont ramenés vers des contrées plus calmes et colorées. En effet, le groupe transporte la foule avec son rock alternatif teinté de multiples influences. Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié les titres ayant une rythmique de type « motorik » tandis que le synthé pointait le bout de son nez à certains moments. Le groupe a déroulé un set onirique, me transportant au loin pendant plus quarante minutes (même si j’avais l’impression de me trouver dans une faille spatio-temporelle à la fin du concert !). Sans aucun doute l’un des plus beaux concerts de cette journée.
Si les anglais de Crows étaient attendus - vu la réaction d’une bonne partie du public - nous concernant, nous étions un peu plus sur notre réserve. Si le groupe mélange très habilement des sonorités punk et psych, je dois dire que ce mélange des genres me procure moins d’émotion. Les « goûts et les couleurs » que voulez-vous ! Du coup, cela a été l’occasion d’aller faire un tour dans la salle du Chabada pour admirer les étales des vendeurs, les affiches et les vinyles qui s’y trouvent. En ressortant, on se dirige vers le stand Acualina pour déguster une pizza, la faim commençant à se faire ressentir. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls puisqu’il y a foule sur les nombreuses tables prévues pour les festivaliers. Le soleil nous inonde de sa lumière et de sa chaleur en cette belle fin d’après-midi.
Autre découverte, les américains de Cloud Nothings. Cela a été l’occasion de découvrir leur album phare « Attack on Memory » puisque, pour ses dix ans, le groupe en a joué l’intégralité sur la scène du Lévitation. Cloud Nothings a réussi a happer le public avec son noise rock très efficace qui, je trouve, à quelques petits accents de surf-rock à certains moments (surtout sur la rythmique et la tonalité des notes de guitare de certains titres). Si là encore ce n’est pas mon genre musical de prédilection, il faut reconnaitre que le groupe a fait une excellente prestation.
Je dois vous avouer une chose, je n’ai pas vu Forever Pavot. La faute à un ancien collègue avec qui j’ai parlé pendant quasiment toute la durée de leur concert. Cela a été l’occasion pour nous parler du festival, de son passé mais aussi de son devenir. Nous avons évoqué la volonté des programmateurs de faire une affiche éclectique et qui permet à tout et à chacun de s’y retrouver. Il faut dire que le rock psychédélique est une immense famille aux ramifications très larges, allant du rock, à l’électro en passant par le folk ou encore le metal (oui, j’adorerais voir Electric Wizard au Levitation). Si le site actuel manque de charme par rapport aux éditions qui avaient lieu au Quai, les organisateurs ont fait le nécessaire pour qu’on ne se sente pas sur un parking. Les emplacements des deux scènes face-à-face permettent de naviguer facilement entre deux sets et le petit coin réservé aux stands de nourriture, et merchandising revêt le caractère d’une petite oasis de calme au milieu des vagues musicales.
Soudainement, une musique orientale commence à résonner à travers le festival. Le groupe Altin Gün va entrer en scène, l’occasion pour nous de nous positionner et de commencer à danser avec d’autres personnes. Avec son « psych-folk turc » (dixit Merve Dasdemir, la chanteuse), le groupe a particulièrement conquis nombre de personnes à travers le monde. Et cette prestation au Levitation ressemblait à une consécration pour eux. Ils ont été parfaits, du début jusqu’à la fin en enchainant les titres de leurs albums. La foule était prise dans un tourbillon dansant pendant une heure et demie.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le groupe ne vient pas de Turquie mais d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Quelques membres sont d’origine turque, notamment Merve qui est née et qui a grandi à Istanbul, mais les autres sont nés aux Pays-Bas. Altin Gün veut dire « Age d’Or », faisant référence au rock psychédélique turc des années 1970 (et dont les australiens de King Gizzard & Lizard Wizard se sont également inspirés pour certains de leurs albums, notamment pour l’aspect microtonal de la musique). Le groupe réadapte certains classiques turcs qui sont tombés dans le domaine public, comme « Yüce Dağ Başında » qui a inondé le public d’une fièvre dansante avec son groove imparable. Le passage d’Altin Gün au Lévitation restera l’un des grands moments forts de l’histoire du festival.
C’est après cette escapade en Anatolie que nous nous retrouvons devant les français de Psychotic Monks. Nous sommes très vite redescendus de notre nuage pour affronter les riffs acérés du quatuor français. Débordant d’une énergie folle, le groupe a réussi à emporter une partie de la foule dans son monde à la frontière entre industriel, électro et techno. Les artistes s’engagent à 200% dans leur set, débordants d’une énergie folle dans laquelle leurs corps sont mis à rude épreuve. Face à eux, une partie du public semble succomber à leur musique et entre en transe sur les rythmiques nerveuses de leur musique.
Le festival Lévitation fête souffle ses dix bougies de la plus belle des façons. Quel plaisir de le voir se tenir encore debout après toutes ces années. Il peut se targuer d’être d’ailleurs la seule itération internationale du festival (il y avait eu une édition canadienne) qui est encore « debout », et qui tient. Il s’est définitivement ancré en France et à Angers. S’il se veut plus grand public que d’autres festivals européens, sa programmation a de sérieux atouts puisqu’elle permet au public de découvrir de nouveaux groupes et de nouvelles sonorités. S’il faut évoquer une petite déception, c’est celle de ne pas avoir vu les Black Angels… Mais ce n’est que partie remise ! Vivement l’année prochaine !
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